J’aime en particulier les rencontres avec les sophrologues, car elles sont une merveilleuse opportunité de se voir offrir en partage un autre regard sur nos pratiques. Aujourd’hui je rencontre Florence Parot, sophrologue, enseignante et auteure, fondatrice de la première école de sophrologie en Grande-Bretagne et spécialiste de l’hyper-stress, de la fatigue et du burn-out.
Bonjour Florence, pourquoi cette spécialité ?
Et bien, elle est en lien avec mon histoire de vie puisque j’ai moi-même fait un burn-out à l’âge de 23 ans.
C’est peu banal ! Pouvez-vous nous le raconter ?
J’étais alors en DESS d’interprète de conférence à Dauphine. C’était une formation très exigeante avec un rythme intense et une charge de travail importante, dans un contexte extrêmement concurrentiel, tant entre étudiants qu’avec nos enseignants.
En somme, un contexte de rivalité doublé d’une charge lourde. Une belle adversité !
Exactement ! Et cela m’a généré une grande fatigue au point que j’ai touché les limites de ma résistance physique et psychique. Je me souviens encore d’avoir éprouvé de véritables « crampes » du cerveau. Un matin je me suis levée et je me suis effondrée au sol, percluse de douleurs. J’ai été transportée à l’hôpital où le diagnostic s’est avéré difficile à poser.
À 23 ans, il y a de quoi être effrayée. Comment vous-êtes-vous saisie de cette expérience et quelles stratégies d’ajustement avez-vous mises en place ?
À l’époque, j’avais une médecin généraliste particulièrement écoutante. C’est elle qui m’a orientée vers la sophrologie.
Voici la rencontre !
La très belle rencontre, oui, pour doucement entrer en résilience. Pendant un an, j’ai été incapable de faire quoi que ce soit. Ce fut pour moi le temps nécessaire à m’apaiser, me reconstruire et reconquérir une autonomie progressive. Néanmoins, à l’issue de cette période, je n’avais pas recouvré toute mon énergie vitale. J’ai pu reprendre des études en gestion des entreprises internationales mais je restais physiquement fragile.
Il y a une dimension très holistique dans votre expérience. Comment avez-vous pu maintenir un niveau d’énergie suffisant pour garantir une intégrité physique et psychique ?
Et bien justement, avec la sophrologie ! C’est ma pratique qui me permettait d’ajuster, au regard de mes besoins, que j’avais appris à écouter. Après mes études, j’ai intégré un poste à responsabilités d’une très grande diversité intellectuelle, dans le monde de l’entreprise. Il nourrissait tout particulièrement mon besoin de stimulation jusqu’au jour où … cela ne l’a plus nourri, ni intellectuellement ni humainement.
Il y avait là une perte de sens qui ouvrait à un questionnement et une quête existentielle ? Quelle a été votre orientation ?
Une perte de sens, tout à fait. Dans mon questionnement, j’ai pris en considération tout ce que j’avais découvert et mis en place pour maintenir mon équilibre global, physique et psychique, consciente que c’était là l’essentiel. Tout au long de mon parcours, j’avais fait la rencontre d’une naturopathe pour travailler sur la vitalité du corps, et la thalassothérapie, le shiatsu et l’acupuncture m’ont aussi particulièrement aidée. Puis j’avais démarré une thérapie avec une psychologue.
Tout cela m’a nourrie de différentes approches, suffisamment pour que la mienne soit holistique, globale et intégrative. Étant donné que je continuais de pratiquer la sophrologie, qui me nourrissait tout particulièrement, j’ai recontacté deux des sophrologues qui m’avaient accompagnée tout au long du chemin. J’ai pris conseil, puis j’ai décidé de me former au CEAS, car j’y ai été particulièrement bien accueillie par Luc Audoin .
Vous me disiez d’ailleurs que vous vous y êtes sentie comme chez vous. Il y avait une belle équipe de formateurs également.
Oui, de nombreux professeurs s’étaient formés auprès d’Alfonso Caycedo et se plaçaient dans une posture de transmission. Ce fut un enseignement d’une grande richesse. Je l’ai vécu comme une chance et j’en éprouve encore aujourd’hui beaucoup de gratitude.
C’était il y a de cela maintenant presque 17 ans ?
Oui et je continue de me dire tous les jours que je suis là où je dois être.
Quelle forme a pris votre pratique de sophrologue à vos débuts ?
J’ai d’abord travaillé à Paris en intégrant un cabinet pluridisciplinaire avec deux ostéopathes, un psychologue, un praticien en médecine chinoise, puis très rapidement je suis partie exercer en Grande-Bretagne.
Il faut dire que la Grande-Bretagne est un peu votre home sweet home, comme une deuxième maison ?
Oui en effet. J’aime tout particulièrement ce pays, je peux même dire que je l’adore et il m’appelait très fort ! Par ailleurs, je pratiquais la danse classique de très longue date. J’ai donc pris le temps de préparer mon installation en Grande-Bretagne. J’ai choisi le Kent, une région particulièrement verdoyante, proche de la France via l’Eurostar et … dotée d’une belle école de danse également ! J’ai été la cinquième sophrologue à exercer là-bas.
Il y a combien d’années ?
C’était il y a 15 ans, et il y avait tout à faire au sein d’une population très ouverte aux approches holistiques.
On dit souvent que vient à nous un public qui traverse un pont que l’on a soi-même franchi. Quels étaient les motifs de consultation des personnes qui venaient à vous ?
Effectivement, très vite est venu un public travaillant dans le monde de l’entreprise, qui me consultait pour des problématiques de fatigue chronique, de surcharge mentale, d’hyper-stress et de burn-out … ce qui n’était pas tout à fait un hasard.
Sans doute votre propre résilience vous a permis d’avoir sur ces sujets une approche concrète, adaptée et globale au point de développer une véritable spécialité. Comment en êtes-vous venue à créer The Sophrology Academy ?
J’enseignais déjà au CEAS et mes compétences en gestion d’entreprise me permettaient de me lancer dans un projet de création d’école. Par ailleurs, j’ai toujours eu un fort besoin de me sentir stimulée par des projets novateurs. Cela m’enthousiasme !
Oui, il y a chez vous l’énergie et la curiosité d’un pionnier 😊 C’était il y a 14 ans ? Comment avez-vous bâti votre équipe pédagogique et votre programme ?
Oui, 14 ans déjà. Bien des personnes m’ont rejointe alors, issues de nombreux pays, toutes avec des compétences multiples, notamment Brigitte Decre-Rinner, à l’époque à Londres, aujourd’hui en Suisse, Annette Ebbinghaus, Canadienne exerçant en Suisse, Marco Gastaldi du Luxembourg et d’autres personnes venues de différents coins d’Europe.
Une véritable ruche !
Oui, tous ayant en commun une approche orientée solution, à la fois très pragmatique et globale, de type intégrative.
On sent la passion qui vous anime aussi, cela a sans doute généré une belle émulation ?
Oh oui. Nous exercions tous avec une immense passion. C’est à cette époque que j’ai commencé à intervenir dans de nombreuses écoles très différentes, dans toute l’Europe, et même au Mexique, sur ma spécialisation du burn-out, contribuant à l’enrichissement d’une sophrologie résolument plurielle dans une optique ontologique.
Vous y avez d’ailleurs contribué en tant qu’auteure, aussi. Parlez-nous de vos livres.
Le premier, « Instant Serenity for Life and Work » est paru en 2012. Il constituait alors une introduction simple et quotidienne à la technique avec de nombreux exercices pratiques et n’est plus réédité à ce jour. Ce fut le premier livre de sophrologie jamais écrit en anglais.
Puis en 2019, sur sollicitation du groupe Hachette, j’ai écrit « The Sophrology Method » traduit en Français, Espagnol, Allemand, Néerlandais et Portugais. Lecture du corps, relaxation, respiration, visualisation, cet ouvrage propose près de 100 exercices, à effectuer entre deux réunions au bureau ou à réaliser tranquillement à la maison.
En 2021 j’ai publié « Sophrologie pour se recentrer sur soi – Mes petites routines sophrologie » aux éditions Marabout et la deuxième édition est parue en 2023. Cet ouvrage offre un programme simple et pratique de 4 semaines, en quelques minutes par jour, pour intégrer de bonnes habitudes et changer son quotidien.
Florence, toute cette expérience semble être profondément satisfaisante. Pourquoi être revenue en France ?
Le Brexit, puis le Covid sont venus rebattre les cartes ! Après le Brexit en 2017 j’ai cédé The Sophrology Academy tout en continuant d’y enseigner. Je souhaitais partager mon temps entre les deux pays avant que le Covid ne passe par là… J’ai dû faire un travail de deuil avant de concevoir et développer un projet dans la Creuse où j’ai créé La Bulle de Repos, une école de formation et un lieu de ressourcement propice à se restaurer intérieurement.
Les grandes étendues verdoyantes de la Creuse offrent effectivement un lieu propice au repos et à la restauration des énergies de l’être.
Oui, c’est un lieu parfait pour recevoir des personnes en burn-out sur des séjours courts, avec un programme sur mesure permettant d’observer la temporalité de chacun et d’identifier clairement ses besoins, pour y apporter une réponse adaptée. Je propose aussi des séjours sophro-thalasso à Banyuls-sur-mer pour un travail d’intériorité ainsi que des groupes, ateliers et programmes visant à atteindre la sérénité au quotidien et l’équilibre. Mon idée force est d’amener la contemplation monastique dans le quotidien en lien avec le corps.
La sérénité au quotidien, une forme de Nouvelle Quotidienneté, merveilleux programme inspiré de la RD12 je suppose ?
Sourire. Oui. Les programmes de La Bulle de Repos se veulent d’ailleurs multidisciplinaires alliant des professions médicales et de bien-être. J’y propose aussi des groupes de gestion du stress et de la fatigue ainsi qu’un travail en ligne, en français et en anglais, et je dispose également d’un cabinet à Aubusson.
Florence, vous qui êtes toujours pleine de projets, à l’aube de cette nouvelle année quels sont les vôtres en 2024 ?
En 2024 je vais proposer des formations à destination du monde médical, des soignants et des professionnels sociaux pour une meilleure compréhension du syndrome du burn-out. Je vais également accueillir une nouvelle promotion au sein de mon école de sophrologie, avec un maximum de 12 personnes pour demeurer à taille humaine et explorer la méthode en profondeur en offrant de faire ce chemin pour soi-même avant d’y accompagner les autres. Il s’agit d’une formation sur deux ans avec une méthode éprouvée de longue date.
Florence, pour terminer cet interview, pouvez-vous nous partager votre vision du ?
Le burn-out pour moi est une traversée du désert, une nuit noire de l’âme qui peut aussi s’avérer être révélatrice autant que transformatrice ! Il s’agit d’accueillir et d’explorer ses ressources intérieures pour instaurer une harmonie sans cesse renouvelée, s’interroger sur le sens de sa vie et trouver un nouvel équilibre !
Chère Florence, je vous remercie chaleureusement pour cet échange. Portez-vous bien et recevez tous mes vœux de réalisation de vos projets en cette année 2024 !