[Rencontre avec] Yannick Frieh

Dans le cadre de mes activités au sein de la Société française de Sophrologie, j’ai eu le privilège d’interviewer Yannick Frieh, sophrologue, sophrothérapeute et directeur de l’ESSA Colmar. Une personnalité lumineuse qui porte une voix d’éveil de la conscience. 

Yannick, de quoi parle t’on quand on évoque une sophrologie existentielle ?

Parler de sophrologie existentielle, c’est parler d’une sophrologie relationnelle. C’est créer la relation d’Alliance, une véritable rencontre entre deux sujets différenciés dans l’ici et maintenant. C’est faire de cette relation un lieu, au sens d’une topique, que le sophrologue installe, permettant ainsi à l’Autre d’être et de se sentir en sécurité. Et d’être entendu de lui-même et de l’autre. C’est là, dans cet espace-temps relationnel, véritable athanor, que le travail va pouvoir s’accomplir, dans, avec et par une relation de confiance permettant une pleine reconnaissance de celui qui nous vient.

C’est dans ce cadre que les pratiques de relaxations dynamiques vont permettre au sujet d’instaurer une relation vivantielle avec lui-même, avec les autres et avec le monde. De ce fait, c’est l’être du présent qui se donnera l’opportunité de revisiter les marqueurs de son histoire, de s’en affranchir pour se mettre en capacité d’être là, de vivre l’instant ouvert à ses capacités d’avenir.

Cette vision signe une identité, une singularité propre dans la posture existentielle ?

Oui. Parler de posture est essentiel. Car dans cette relation d’écoute, le sophrologue doit être en capacité d’être soi-même, authentique et solide, pour accueillir l’Autre et l’autoriser à se dire.

Vous évoquez la force de la Présence ?

Oui. C’est la présence du sophrologue qui va permettre au sujet d’être là, soutenu par le travail de la corporalité et ainsi de se percevoir en train d’être. Dans l’exercice de ma pratique de sophrothérapeute, plus j’avance et plus je mesure l’importance de la dynamique relationnelle dans l’accompagnement.

Je crois qu’il y a, émergeant de vos propos, la nécessité pour le sophrologue d’un travail sur soi et dans sa continuité, d’une supervision ?

Oui. Il est important que le sophrologue entretienne sa capacité de présence au travers d’une pratique sophrologique personnelle et d’être en conscience de sa réalité objective. Un espace thérapeutique est aussi nécessaire lorsque nous sommes fortement déstabilisés émotionnellement dans nos accompagnements. De plus, un espace de supervision permettra de sortir des impasses relationnelles et de développer nos compétences d’accompagnant. C’est une responsabilité, une éthique. 

Dynamique de l’être en devenir… S’entend ici le fameux « Deviens ce que tu es » de Nietzsche, qui convoque le paradoxe de l’être et du devenir et évoque une transformation. Est-ce votre vision de la sophrologie existentielle ?

La Sophrologie est pour moi une découverte, une conquête et une transformation. La découverte est continue et permanente. Elle est découverte de soi et du rapport à son corps propre, libre d’y aller et d’y revenir par la respiration consciente, intentionnelle, guidée. Tel le Vendredi de Robinson Crusoé, cette découverte est candide, phénoménologique, sans aucun jugement. Cela permet alors de défocaliser de nos propres difficultés.

Parlez-nous de la corporalité…

Elle est essentielle : c’est l’expérience vécue de l’unité corps-esprit qui atténue la relation duelle c’est à dire le passage d’avoir un corps à être un corps, lieu de vie, lieu de nos émotions, de nos perceptions et de nos pensées. Ce nouveau rapport à soi sous-tend un nouveau rapport au monde, moins clivant et un nouveau rapport aux Autres plus créatif : c’est remettre au cœur de l’existence la dimension expérientielle.

Qu’en est-il de la conquête ?

La conquête, c’est conquérir ces nouvelles capacités qui me permettent justement de ne pas être comme hier. C’est obtenir de nouvelles possibilités d’être en soi, infinies et continues et concrètement matérialisées dans ce rapport au monde et aux Autres qui nous le renvoie. Il ne s’agit pas seulement de mots, mais d’une conquête incarnée. C’est l’être du présent qui en décide.

En somme, chacun est maître de ses actes, de son destin et des valeurs qu’il décide d’adopter, et cette liberté inscrit chaque être au cœur d’un processus évolutif, véritable mouvement intérieur permettant d’aboutir à un changement d’état ?

Je ne pense pas que nous puissions être totalement maîtres de nos actes et de notre destin mais que nous avons une part de libre-arbitre que la pratique de la sophrologie permet de conquérir : c’est la transformation. La transformation, ce sont des micros mouvements qui amènent un individu à identifier les scénarii répétitifs, les croyances limitantes ancrées dans notre corps à savoir nos tensions corporelles et psychiques, inhibant l’énergie vitale source de mouvements. La libération de cette énergie c’est la possibilité du changement ; c’est la symbolique de la marche consciente dite phronique.

Le schéma existentiel à vivre est tellement porteur d’espérance. Il est pour moi un humanisme. Merci de nous partager votre vision de la sophrologie, Yannick !

Je voudrais tant qu’on ne réduise pas la sophrologie à un aspect de détente ou de modification du comportement ! Bien sûr que ces applications-là existent, mais elle propose tellement plus ! un véritable changement de positionnement d’être.

Les futurs sophrologues que nous formons sont amenés à traverser ce processus existentiel. Ils sont amenés à le vivre, à l’expérimenter, c’est tout le sens des dimensions « vivantielles et existentielles » de la sophrologie ! Sortir d’un mode opératoire dans la relation d’accompagnement pour laisser place à la singularité de la rencontre.

C’est le processus qui fait la posture autant que le métier, parce qu’il est alors profondément incarné. Pour cela, il faut le traverser, s’en saisir et l’illustrer par la manière de le redéployer avec délicatesse et respect pour la forme toute singulière que cela va prendre pour l’Autre. La vivance commence par ce déploiement et c’est parce qu’il y a une relation que cela est rendu possible.

C’est à la fois limpide et lumineux, merci, Yannick, pour cet échange qui éclaire la dynamique de l’être quand il se trouve et se transforme dans le mouvement continu de la vie. 

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